CHAPITRE XI
Qui-Gon se redressa sur sa couchette. Son cœur battait la chamade et tous ses muscles étaient en alerte. Mais pourquoi ?
Soudain, il reconnut cette sensation. Il l’avait déjà expérimentée. Parfois, lorsqu’un Jedi tout proche était en situation périlleuse, les autres Chevaliers en étaient avertis. Qui-Gon fouilla son esprit, mais ne rencontra qu’un épais brouillard.
– Obi-Wan, murmura-t-il enfin.
C’était forcément lui. Qui-Gon tenta de refouler ce pressentiment : le garçon n’était pas son Padawan. Il ne pouvait exister un lien aussi fort entre eux.
Et pourtant, il ne pouvait nier l’évidence.
Qui-Gon poussa un grognement. Où qu’il aille, il retrouvait cet Obi-Wan. Le Jedi voulait bien soigner ses plaies et bosses, mais il n’était pas responsable de lui. Si le garçon s’était fourré dans les ennuis, qu’il s’en sorte tout seul !
Obi-Wan chercha désespérément Si Treemba. Il dut se traîner à travers les conduits d’aération, passer en douce au-dessus des cabines et regarder à travers des centaines de grilles en retenant son souffle. Ses mains étaient noires de crasse, et la poussière qu’il soulevait sur son passage s’infiltrait dans ses yeux et sa bouche.
Il finit par retrouver l’Arconien quatre étages plus bas, au plus profond du vaisseau. Une cabine avait été transformée en cellule improvisée.
Si Treemba était attaché par une chaîne fixée au mur et accrochée à sa cheville. Il gisait étalé sur le sol, les bras étendus. Quelques cristaux de dactyl étaient posés là, hors de sa portée. À quelques mètres de lui, un Hutt et deux gardes whiphids jouaient aux cartes sur une table de métal.
Le jeune Arconien restait prostré et abattu. Sa peau gris-vert avait pris une vilaine couleur brune. Obi-Wan comprit que ses forces vitales déclinaient dangereusement. Pourquoi était-il si affaibli ?
Le Hutt déplaça son énorme masse et toisa Si Treemba avec un mauvais sourire. Obi-Wan le reconnut : c’était celui qui l’avait assommé la veille.
– Tu es décidé à parler ? demanda le Hutt. Tu ne veux pas un peu de dactyl ? Je pourrais te passer quelques cristaux.
Si Treemba le regarda sans rien dire.
– Que faisais-tu dans nos conduits d’aération ? tonna le Hutt. Qui t’a envoyé nous espionner ?
L’Arconien secoua faiblement la tête.
– Tu n’as pas l’air bien fringant, railla le Hutt. Cette solution que nous t’avons injectée contenait assez de sel pour épuiser tes réserves de dactyl. Alors pourquoi ne pas nous dire la vérité ? Les Arconiens ne se déplacent jamais seuls. Qui était avec toi ?
Si Treemba laissa tomber sa tête en arrière, et celle-ci heurta le sol.
Obi-Wan devait faire quelque chose. Il empoigna la grille, la souleva, puis il se laissa tomber par l’ouverture et se réceptionna sur le sol, tirant aussitôt son sabrolaser.
– Tu ne t’en prends qu’aux faibles, Hutt ? demanda-t-il.
Un instant, l’autre resta paralysé par la surprise ; il se contenta de cligner les yeux, puis se mit à rire.
– Désintégrez-le, fit-il d’un ton calme aux deux gardes whiphids.
Obi-Wan comptait sur la lenteur naturelle des Whiphids. Ces derniers le dévisageaient, bouche bée.
Le garçon bondit et, d’un coup de sabrolaser, sectionna les quatre pieds de la lourde table. Elle s’effondra sur eux dans un bruit de tonnerre.
Les petits tabourets sur lesquels ils étaient assis cédèrent sous le choc : ils se retrouvèrent cloués au sol sous le poids du meuble.
– Désolé d’interrompre votre partie, s’excusa Obi-Wan.
Sans quitter des yeux le Hutt stupéfait, il prit la clé de la chaîne qui entravait Si Treemba. La serrure de métal était de conception simple et ancienne. Obi-Wan jeta la clé à l’Arconien.
Le Hutt, revenu de sa surprise, fondit sur lui.
– Alors, jeune Jedi, tu n’as pas retenu ta leçon ? Comment oses-tu me défier, moi, le grand Grelb ?
– Oh, mais j’ai bien appris quelque chose, répondit Obi-Wan en brandissant son sabre. Que tu ne t’en prends qu’aux faibles. Moi, sale froussard, je peux rendre coup pour coup !
Grelb jeta un regard méprisant au sabrolaser.
– Avec ce jouet ?
Obi-Wan regarda Si Treemba. L’Arconien avait réussi à se libérer et dévorait frénétiquement le dactyl qui jonchait le sol. Sa peau commençait déjà à reprendre sa couleur d’origine.
Le Hutt fonça sur Obi-Wan en serrant ses énormes poings. Le garçon plongea et roula sur lui-même, une manœuvre de défense Jedi classique. En chemin, il décocha un coup de sabre dans le flanc du Hutt.
Grelb recula en poussant un rugissement. Encombré par sa propre masse, il s’abattit sur la table, écrasant davantage les pattes des Whiphids. Ceux-ci rugirent de douleur et le martelèrent de coups de poing.
– Dépêche-toi, Si, fit Obi-Wan d’un ton pressant.
Le garçon surveilla Grelb jusqu’à ce que Si Treemba ait passé la porte. Puis il sortit à son tour. Le Hutt tentait toujours de se relever.
– Tu ne t’en tireras pas comme ça, Jedi ! gronda-t-il. Cet Arconien était un espion !
Obi-Wan l’ignora. Il entraîna Si Treemba vers l’autre bout du couloir. Heureusement, les niveaux les plus bas n’étaient pas très fréquentés. Ils purent atteindre le domaine des Arconiens sans faire de rencontre inopportune.
Au passage, Obi-Wan croisa deux gardes arconiens qui partirent en courant. Il savait qu’ils allaient avertir Clat’Ha de leur retour – et lui dire que l’Humain et l’Arconien s’étaient aventurés sur le territoire d’Offworld. Ainsi, tôt ou tard, Qui-Gon apprendrait que le jeune garçon lui avait désobéi.
Si Treemba s’arrêta net et se tourna vers lui. Ses yeux brillaient d’une lueur chaleureuse.
– Nous vous remercions, Obi-Wan. Nous vous devons la vie.
– C’est à cause de moi qu’ils t’ont capturé. Je suis désolé.
– Mais une fois de plus, c’est grâce à vous et à votre courage que nous sommes tirés d’affaire, reprit Si Treemba en lui prenant l’épaule.
– Et si nous parlions de ton courage ? rétorqua Obi-Wan. Au fond, tu étais prêt à mourir plutôt que de me trahir. Tu as tenu tête à un Hutt !
Un sourire étira peu à peu les traits de l’Arconien.
– C’est vrai, admit-il. Nous l’avons fait !
– Ne te monte pas la tête, soupira Obi-Wan. Il nous reste encore à affronter Clat’Ha et Qui-Gon. Et je doute qu’ils soient très contents.
Peu après le départ d’Obi-Wan et de Si Treemba, Grelb alla voir Jemba et lui raconta toute l’histoire.
Le chef hutt faillit s’étrangler de fureur. Il était plus âgé que Grelb, de plusieurs centaines d’années, et il était beaucoup plus grand.
– Je le savais, gronda-t-il. Le Chevalier Jedi et son jeune élève se sont joints aux Arconiens. Ils sont ligués contre moi !
– C’était inévitable, ô Grand Maître, répondit Grelb. Ils ne nous aiment pas.
– C’est ta faute ! Je devrais te faire couper la queue et la manger pour mon dîner !
Les cœurs de Grelb s’accélérèrent sous l’effet de la frayeur, et il replia aussitôt sa queue sous sa masse.
– Si tu voulais saboter les foreuses, continua Jemba, tu aurais dû attendre que nous soyons sur Bandomeer !
L’autre prit un air blessé, mais Jemba n’en tint pas compte. Il lui assena une claque qui l’envoya à terre. Sous l’effet du choc, Grelb eut l’impression que son cerveau se liquéfiait.
Il se releva et se tourna vers le géant.
– Jusqu’à présent, vous ne vous êtes jamais plaint de mes méthodes !
Celles-ci incluaient le vol, le meurtre et le sabotage, et il s’assurait toujours que ses forfaits profitent à Offworld.
– Cette fois-ci, un Jedi s’en mêle ! rugit Jemba.
– Lorsque j’ai corrigé ce garçon, je ne savais pas que c’était un Jedi, avoua Grelb. Sinon, il ne s’en serait pas sorti vivant. Je vous jure que la prochaine fois…
Jemba tendit un énorme doigt :
– Ce gamin a eu vent de tes manigances. Il n’y aura pas de prochaine fois. C’est moi qui vais lui régler son compte !
– Comme il vous plaira.
Grelb fit volte-face et quitta la pièce. Alors que la porte se refermait derrière lui, il serra les poings en imaginant qu’il tenait Obi-Wan dans ses griffes pour l’étrangler.
« Oh si, il y aura une prochaine fois, se promit-il. Je n’en doute pas un instant. »